Un Brin d’Espoir
« Tu sais, parfois j’y repense et ça me donne des frissons… Que serions nous devenus si tout cela n’était pas arrivé? Que serait devenu le monde? » demandais je à mon ami. Cette nuit là, assis dans la pénombre d’un soir d’été, nous discutâmes longuement. Au rythme doux des vagues qui se déroulaient devant nous, les pieds dans le sable encore humide de la dernière marée, nous nous replongeâmes alors dans les vieux souvenirs…
(…)
Les vieux souvenirs d’un monde qui vivait à toute vitesse, où le temps n’avait plus vraiment de sens. « Nous allions droit dans le mur » disaient même les scientifiques. Pourtant malgré les sonnettes d’alarme, c’est comme si nous avancions avec des oeillères et du coton dans les oreilles. Nous ne voulions pas voir la réalité en face, nous ne voulions pas l’entendre non plus. De toute façon que faire? Malgré nos petits efforts au quotidien pour aspirer à un monde meilleur, nous nous sentions toujours impuissants. Le monde dans lequel nous vivions était empoisonné par l’avidité. Le système capitaliste nous poussait à consommer toujours plus, les publicités nous créaient toujours plus de besoins. Les humains profitaient de la vie, mais paradoxalement, ils la négligeaient. Incapables d’entreprendre un travail pour guérir leurs blessures, ils se polluaient eux même en cultivant la peur, cette petite graine très contagieuse qui dictait leur vie et empoisonnait le monde à son tour. En attendant la planète suffoquait, les forêts brulaient, les glaciers fondaient, les animaux mourraient… mais pourtant, c’est comme si rien ne pouvait nous arrêter.
Et puis un jour, ce qui devait arriver arriva. Une pandémie. Je ne pouvais pas y croire. Le monde entier dû s’arrêter brutalement. Personne n’était préparé à cela, personne ne pensait qu’un tel bouleversement serait possible. Dans un premier temps, nous étions forcés de constater que les conséquences économiques seraient sans doute terribles, que la vie de nos anciens était en danger. On nous disait de ne pas sombrer dans la peur, ils avaient raison, mais pourtant, je comprenais qu’à ce moment là, l’inquiétude était légitime. Pendant que des milliers de médecins et infirmiers se démenaient corps et âme pour sauver des vies, des millions d’autres personnes étaient contraints de rester chez eux, peut être même des milliards. Le bruit dans les rues s’effaçait, les magasins n’ouvraient plus leur porte, les familles et les amis ne pouvaient plus se retrouver. Malgré tout, c’est au beau milieu de ce chaos que j’entrevis un brin d’espoir…
Parce que le monde ralentissait, nous n’avions pas d’autre choix que de ralentir à notre tour, cela marchait aussi dans l’autre sens. Et si tout cela n’était en fait qu’une occasion pour réapprendre à vivre? Dans le passé, quand je vivais une période difficile, on me disait parfois, « tu sais rien n’arrive par hasard. Tu dois passer par là pour apprendre » . Et si ce que nous vivions tous ensemble à ce moment là n’était pas un hasard? Et si cela était un message pour que nous puissions apprendre? à une plus grande échelle?
Malgré l’incertitude et les mauvaises nouvelles, nous nous mîmes à prendre le temps, à redécouvrir ce qu’il avait à nous offrir, à lui redonner du sens. Le temps de quelques mois, nous n’avions plus d’horaire, plus d’impératif, plus de compte à rendre. Nous n’avions plus ce devoir d’être productif, cette injonction sociale qui nous rendait soit disant admirable. On nous avait pris notre liberté, mais pourtant nous nous étions jamais sentis aussi libres, émotionnellement. Le temps s’était arrêté mais semblait pourtant infini. Les gens devaient réinventer leur quotidien, et se mirent à lire, à cuisiner, à essayer la peinture… le tout sans penser au lendemain. Ils prirent le temps d’appeler leurs proches. Les parents pouvaient profiter pleinement de leurs enfants. Les amoureux pouvaient faire l’amour d’avantage. Ils discutèrent plus en profondeur, se posèrent des questions, réfléchirent sur leur vie, puisqu’ils avaient le temps. Le temps… Ils rirent, s’engueulèrent peut être, mais une chose est sûre : ils étaient bel et bien entrain de vivre.
Le monde devenait silencieux pendant que la nature, elle, respirait à nouveau et nous laissait un magnifique message d’espoir. On entendait les oiseaux chanter dans les rues de Paris, les dauphins venaient jouer dans les ports en Sardaigne. La pollution diminuait nettement jours après jours… la nature semblait heureuse à nouveau. Cette simple nouvelle me remplissait le coeur de joie. Je compris alors pourquoi rien n’arrivait par hasard.
Nous savions tous que ce mode de vie ne pourrait pas durer, qu’il était éphémère. Nous appréhendions « l’après » mais sans pouvoir vraiment l’expliquer, quelque chose en nous avait déjà changé. Nous savions que nous ne pouvions pas retourner en arrière. La lenteur nous avait apporté de la lumière là où nous en avions besoin et désormais rien ne serait plus comme avant. Les gens commencèrent à penser différemment, ils se détachèrent de leurs vieux schémas et leur coeur se révélèrent. Les pays du monde entier s’étaient pour une fois alliés et la solidarité prit de l’ampleur. Certaines personnes en Chine virent un ciel bleue pour la première fois : des prises de conscience étaient entrain de naitre dans le monde entier. Des idées pour un monde plus juste commençaient à émerger, et chez moi l’espoir avait remplacé la peur.
Quelques mois plus tard, nous réussîmes à vaincre ce fléau.
Des êtres chers nous avaient quitté. Malgré la tristesse qui nous habitait, notre coeur s’allégea de savoir que nous pouvions enfin nous rassembler pour partager nos peines. Dehors le soleil brillait, le parfum de la liberté enivrait timidement les rues, les amis et les familles se retrouvaient enfin. On entendait des éclats de rire à chaque coin de rue, les gens chantaient aussi forts que les oiseaux, et serraient des inconnus dans leurs bras. Les petits commerçants au teint pâle reprenaient des couleurs. La joie était de retour.
Nous le savions tous: il faudra du temps à notre société pour se remettre d’une telle période. Mais à ce moment là, et plus que jamais, nous ne voulions pas reproduire les erreurs du passé. Nous l’avions tous compris, et au delà des frontières, nous décidions alors de construire un monde en accord avec nos valeurs. Un monde conscient et solidaire était devenu comme une évidence. Cette étrange période que nous venions de vivre venait de réveiller nos âmes. Le respect de la vie sous toutes ses formes ainsi que de magnifiques initiatives prirent place. Nous préférions alors consommer moins mais mieux, nos médecins et personnels soignant furent mieux payés, nos hôpitaux et système de soin renforcés. Et puis… notre belle planète nous aura prouvé qu’elle vivait bien mieux quand on prenait soin d’elle. On lui laissera alors le temps qu’il lui faut pour cicatriser.
Depuis ce temps, de nombreuses années plus tard, la vie continue, il y a des hauts, des bas, mais nous réalisons un peu plus chaque jour à quel point la pandémie nous aura dans un sens… sauvé.
(…)
La lune reflétait sur l’eau une douce lumière. Le ciel était clair et les étoiles scintillaient. Quelques larmes coulaient sur mon visage.
« Tu pleures? » me demanda mon ami.
Je souris tout en essuyant mes larmes.
Il me serra dans ses bras, et nous nous mîmes à rire.
« Quelle histoire! » M’exclamais-je.
« Oui, et dire que nous pensions tous que c’était la fin du monde… finalement, c’en était bel et bien le début! »
Tres joli texte et bien écris !
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Merci ma caro
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